Folklore

L’origine des Worgens

Alors que nous sommes tous cloîtrés à la maison pour raison sanitaire, et que certains commencent à être de mauvais poil, il me semble le moment bien choisi pour parler un peu de quelques gros poilus de l’Alliance : les Worgens.

Au cas où vous arriviez en route, nous allons suivre ici le même schéma que dans le premier numéro de cette série (consacré à l’origine des Orcs) : discuter origine mythologique/folklore des races .

Who’s a good boy ?

Alors, worgen évoque bien entendu les “worg”, ces gros loups que l’on peut voir en différentes zones d’Azeroth. Et aussi accessoirement, dans l’univers des jeux de rôle (et plus spécifiquement dans Donjon et Dragons), les worgs sont les montures des gobelins et hobgobelins.

Un Worg dans World of Warcraft

Bref, le concept reste assez évident, les Worgens sont des hommes-loups, des loups-garous ou lycanthropes.

Une femme Worgen (Crédits : lowly-owly)

Enfin, on parle d’homme-loup, mais il y a bien évidement des dames worgens (voir image ci-dessus).
De même pour les loups-garous. Si les procès parlent plus volontiers d’hommes, les légendes font plus état de lycanthropes féminins (qui ont généralement besoin d’une peau pour se transformer, tout comme les selkies irlandaises, d’ailleurs).

Le loup-garou ou Lycanthrope
Le mot moderne (loup-garou) nous vient de la traduction du francique (langage des Francs) “warewulf” ; traduction en vieux-français d’un linguiste qui n’avait absolument rien compris au concept puisque “warewulf” donc “garou” veut déjà dire “homme-loup”.
Donc loup-garou : homme-loulou ou mi-loup/mi-homme puis re mi-loup derrière ? Le mystère reste entier…

À la Renaissance, un mot un peu plus savant a fait son apparition, en s’appuyant sur le grec ancien  λυκάνθρωπος / lykánthrôpos “lycanthrope”. Bien tenté de se rattraper aux branches, mais le mal est fait.
Le loup-garou est resté bien ancré dans le langage courant, parmi les termes populaires hérités du Moyen-Âge, un peu comme le mot “renard”, vous voyez ?..


L’homme-loup

Le loup a longtemps fasciné l’Homme qui le gravait déjà sur ses cavernes au cours du paléolithique. Il était à la fois son mirroir, son modèle, son adversaire, avant de devenir plus tard son compagnon de route (le chien).

Petite gravure de loup découverte dans la grotte de Font-de-Gaume (France)
Particularité : la pierre a été creusée avant d’être peinte

Il pourrait donc s’agir, à la base, d’un concept chamanique issu des premières ébauches de civilisation humaine, où l’esprit du loup était surement invoqué pour s’attirer les faveurs de la nature, s’assurer le succès d’une chasse, ou invoquer des vertus guerrières exceptionnelles comme on le retrouve chez les Celtes (gaulois et germains) ou chez les berserkir nordiques (et leurs épouses vargynfur, les femmes-louves) qui se vêtissaient d’une pelisse de loup ou portaient de la fourrure de loup sur leur casque, un peu comme avoir l’impression d’augmenter un peu leur niveau d’armure, vous voyez ?

La notion d’homme-loup est donc sûrement très ancrée dans les civilisations naissantes comme un mélange de nostalgie, de fascination et de crainte de cette part d’animal présent en chaque homme. Donc de cette facette cachée de l’homme, bien enfouie mais restée sauvage. Beaucoup de peuples de l’Antiquité se disaient descendants des loups (au même titre que des dieux ou demi-dieux, pour vous donner une idée du prestige que cela représentait).

Pour ma part, à titre personnel, l’homme-loup m’évoque aussi en partie une croyance païenne de Corse relativement ancienne, le mazzerisme. Brièvement, le mazerru est l’artisan involontaire de la Mort (un peu comme l’ankou breton). Dans ses rêves, son âme sort de son corps et devient celle d’un chasseur qui traque alors d’autres âmes humaines elles-mêmes sous forme animale (souvent du gros gibier ou des chiens).


Qui a peur du grand méchant loup ?

Le loup, bien que redouté en tant que prédateur, avait donc plutôt la cote dans beaucoup de croyances païennes. Seulement certaines coutumes de l’Antiquité (notamment le festival de Zeus Lycaeus) impliquaient homme-loup et…cannibalisme, ou alors de façon plus sage de la simple sorcellerie en petit-comité.
C’est donc tout naturellement que les autorités en place ont eu l’idée de diaboliser le loup,
d’en faire un être malfaisant. Quelques remaniements de texte par-ci par-là (“méchant Loki, méchant Fenrir”) ont suffi à inverser la vapeur dans le cœur des hommes.
La notion de transformation à la pleine lune est aussi un petit clin d’œil aux anciens rites liés au cycle lunaire (l’Inquisition a toujours le sens de l’humour et du détail, n’est-ce pas ?)

Le contexte un peu chaotique du Moyen-Age a bien aidé pour faire passer tous les cas de morts ou disparations suspectes pour une attaque de loup. Surtout que les contextes de disette ont pu pousser les loups à chasser plus près des habitations humaines (ou se nourrir d’humains frais ou “trouvés” sur leur chemin). La rage a pu rendre certaines attaques de chiens errants et/ou de loups particulièrement spectaculaires. De là, l’imaginaire populaire bien ancrée dans les mœurs et la réalité cruelle se sont progressivement fusionnés pour donner cette croyance d’homme-loup, comme un loup parmi les hommes capables d’attaquer ses semblables de façon sanguinaire et brutale.
Que voulez-vous les hystéries de masse et la croyance aux multiples vertus de la poudre de perlimpimpin, c’est bien un truc de l’ancien temps… *tousse*

En tout cas, coïncidence ou pas, avec une telle mauvaise publicité, le mythe du loup-garou s’est propagé de façon fulgurante dans toute l’Europe, depuis l’Irlande jusqu’aux fins fonds de la Roumanie et de la Lituanie.
En Europe centrale et en Arménie, il faudrait d’ailleurs une peau de loup pour se changer en loup-garou, ce qui n’est pas sans rappeler certaines anciennes croyances, n’est-ce pas?… Et chose étonnante, c’est cette tradition qui semble avoir été importée auprès des Indiens d’Amériques (notamment chez les Navajos).
Je vais vous épargner tous les noms d’oiseaux (de loups ?) qui ont été donnés à la créature sur son passage, car ils sont particulièrement nombreux, témoignant ainsi de sa “popularité” !

En tout cas, comme toute créature diabolique qui se respecte, le lycanthrope est par définition maudit qu’il soit lié par un pacte démoniaque ou non. Il est par contre capable de transmettre sa folie sanguinaire et son mauvais don par morsure. C’est à ce moment-là que l’on se dit que la rage y est aussi pour quelque chose dans cette histoire de loup-garou. Après, malédiction ou pas, au sein du commun des mortels, hommes comme loups, une fois interpellés avaient le droit à un procès pour lycanthropie, parfois en réponse à des crimes bien tangibles, mais bien souvent, ils s’agissaient d’accusations arbitraires, au même titre que les procès de sorcellerie…

Ainsi, en ces périodes troublées d’antan, le loup-garou était un peu un exutoire, un bouc-émissaire, un condensé de peurs bien réelles, mué en une chimère pour lui faire porter tous les maux du monde, tout en l’éloignant conceptuellement de l’Homme et de sa chaumière.
Les affaires de lycanthropie ont surtout été répandus entre les XVème et XVIIème siècles, avant de laisser place à la médecine et ses explications plus rationnelles. Outre les nombreux syndromes pouvant expliquer les “personnalités singulières” de ces loups-garous d’antan, la lycanthropie clinique désigne un trouble psychiatrique dans lequel le patient est persuadé d’être un loup (ou tout autre animal sauvage). Pourtant la bête est résistante dans l’imaginaire collectif, et a ainsi perduré au cours du XIXème et XXème siècle.

La revanche du loup-garou

Avec l’avènement du genre fantastique, comme tout autre créature du folklore collectif, notre bon vieux lycan s’est bien fait sa place dans l’imaginaire “moderne”. Paradoxalement, on a beaucoup crié “au loup !” au cours des derniers siècles, mais il y a eu peu d’œuvres fantastiques le concernant, et aucune aussi retentissante qu’a pu l’être le Dracula de Bram Stoker.

Finalement le visage moderne du loup-garou provient du cinéma avec une apparition retentissante auprès du grand public dans Wolf-man en 1941 (même si le tout premier film de loup-garou date de…1913 !), donnant par la suite de nombreux films d’horreur et d’épouvante.

De façon intéressante, comme dans l’imaginaire collectif des siècles passés, avec cette histoire de morsure. l’imaginaire de notre ami poilu va se développer en parallèle de celle bien instaurée du vampire. On le classe donc facilement dans des intrigues se déroulant dans des cadres relativement similaires, comme l’Europe du XIXème siècle, avec une préférence pour l’ambiance londonienne ou celle un peu plus “exotique” et lointaine de l’Europe de l’Est, et en particuliers la Roumanie (Transylvanie oblige ?).
Vampires et loups-garous coopèrent parfois, mais le plus souvent, ils sont rivaux du monde de la nuit, comme l’homme et le loup se disputaient autrefois leur territoire de chasse.

Et si vous cherchez de la musique qui vous parle de loups-garous maudits et inquisiteurs, qui chantent en choeur religieux du bon métal avec un joli accent de Roumanie,… ou ça existe, et c’est l’excellentissime révérentissime groupe Power Wolf !

En tout cas, le lycanthrope devient plus présent dans la litterature. Une fois de plus, il serait difficile d’énumérer toutes les oeuvres parues. Dans la saga Harry Potter, par exemple, le professeur Lupin (Lupin pour lupus, soit “loup” en latin) a la forme typique du lycan “star” de cinéma.
Dans la bande-dessinée, un exemple assez intéressant est “Fables”, un comics dans lequel le Grand Méchant Loup (Big Bad Wolf, surnommé “BigBy”) vit à New York avec d’autres créatures des contes de fée sous une forme humaine mais avec la capacité de se changer en loup-garou. Ce qui donnera d’ailleurs une interprétation dans un jeu-vidéo en point-n-click intitulé “The Wolf among Us” (“Le loup parmi nous”).

Illustration : Big Bad Wolf

Transition impeccable pour en revenir un peu à nos worgens dans WoW.

Les Worgens dans World of Warcraft 

Tout naturellement, les Worgens sont donc des hommes-loups, maudits certes, mais qui ont appris à maîtriser la part bestiale en eux, et ainsi devenir l’acteur de leur transformation en furry nocturne.

L’ambiance de Gilnéas (autant graphique que musicale) fait immédiatement penser à un village ressurgi du XIXème siècle, quelque part dans un territoire reculé et inhospitalier, comme dans les récits et films d’épouvante qui ont vu “naître” ceux dont ils sont les dignes (et grincheux ?) représentants in-game.

L’isolement de la cité pendant de nombreuses années derrière le gigantesque mur de Grisetête n’est pas non plus sans rappeler les campagnes reculées d’antan qui ont entretenu le mythe du loup-garou et ponctuellement été le siège de procès sanglants de lycanthropie menés par des paysans en panique à la recherche d’un loup-émissaire.

World of Warcraft : Le Mur de Grisetête

En cela, le Worgen est ainsi la figure in-game des pires peurs de l’Homme. Lui-même.

Mais, bien évidemment, vous pouvez jouer un pote de la bande à Genn sans vous soucier de tout cela !
Vous pouvez continuer de courir truffe au vent sur les plaines d’Azeroth et de hurler à la Pleine Lune ce que vous voulez (“qui a encore pull, bande de noobs ?”).

En guise de bonus, si vous voulez en apprendre davantage sur le mythe du loup-garou.
Je vous conseille l’excellente vidéo de Occulture sur le sujet, que vous pouvez retrouver ici.

QdNox

Ex-rédactrice, continue de travailler sur quelques guides pour les Chroniques d'Azeroth.
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